En Avril 1793,
Victoire Binet
,
33 ans, domestique, refuse de s’alimenter ; elle a perdu la raison
il y a 10 ans, puis l’a retrouvée puis l’a reperdue. Ce jeûne la met
rapidement dans un état d’assoupissement.
En Mai, de nombreuses processions viennent, de dix lieues à
la ronde, et s’arrêtent devant la maison de la Sainte. Les gens
s’agenouillent pour prier et essaient d’entrer dans la maison pour
toucher Victoire Binet. Ses parents ne savent quoi faire et lui
donnent des bains froids ce qui la rend roide et maintient la malade
dans un état léthargique dont les causes sont considérées «
impénétrables, même surnaturelles » ; la procession de Saint Arnoult
fait passer des reliques au-dessus de son corps.
Le 21 juin, Théodore Alexis Charpentier déclare que le
directoire du district de Dourdan mandate deux officiers de santé
pour aller constater la maladie extraordinaire ; elle ne s’alimente
pas depuis 9 semaines, ne donne aucun signe de vie, que quelques
mouvements involontaires ; « les malveillants et les fanatiques
égarent l’opinion des habitants de la campagne » ; « le citoyen
Denvers doit aller à Versailles pour y conduire la citoyenne Binet
sous la surveillance des officiers de santé ».
Le 24 juin, le maire Gilles Rigault entouré de ses
officiers municipaux et des parents de la malade demande à
l’administration de Seine & Oise de prendre en charge Victoire Binet
car ils ne peuvent plus s’en occuper.
Le 25 juin, Visite de Charpentier, administrateur du district
de Seine & Oise qui « trouve la malade couchée dans un lit ; elle
apparaît fraîche et son visage n’a point dépéri » ;
Le 1er juillet, le comité de sureté générale déclare que «On
ne veut plus que les curés malveillants fanatisent les habitants du
canton » ; « que la citoyenne Binet soit emmenée à Versailles car il
lui faut l’Art dont elle a besoin, ce qui n’est pas possible dans sa
maison, faute d’hommes assez instruits »
Le lendemain ? on apprend que la citoyenne Binet a recouvré le
mouvement et la parole ; « cette affaire est terminée ».
A la maison municipale de St Cyr, le 9 juillet 1793, les
officiers municipaux rédigent l’avis de décès dans le registre.
Victoire BINET est décédée à St Cir, en présence de sa famille, du
maire et des officiers municipaux. Elle n’a pas survécu à sa
privation de nourriture pendant de nombreuses semaines.
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a St Cyr le 24
juin 1793 lan 2 de la
République françoise
Les maires et officiers municipaux de la
Commune de Saint Cir District de Dourdan
Aux citoyens administrateurs
Du département de Seine & Oise
Nous Vous prévenons qu’il existe dans la dite commune de Saint Cyr
une fille nommée Geneviève Victoire Binet, fille,
natif de la dite commune agée de trente trois ans, qui est dans un
assoupissement ou litergie sans connoissance a la vue du monde,
depuis soixante huit jours, sans prendre aucune nourreiture que ce
soit, ni sans rendre la moindre des chose, Sinon quelques phelegmes
quel rend de tems en tems.
Vu le grand concours de monde qui arrivent journellement dans la
dite commune sous pretexte que c’est une sainte, nous vous remarqués
même que plusieurs personnes se mettent en prière auprès d’elle et
qui apporte des linge pour la toucher comme par devotion, plusieurs
même nous ont invité a leur delivrer des certificats pour attester
la maladie de la dite fille.
Que la dite fille n’a ni père ni mère quelle a toujours été depuis
quinze ans dans l’Etat de domesticité, est présentement chez pierre
Isidore Binet son frere, elle a aussi dans la dite commune, une
seure, un Beau frere et oncle qui sont hors d’Etat de lui donner le
secours necessaire a sa maladie.
Comme le monde se porte en foulle et en si grande quantité pour voir
la dite fille, nous demandons avis a l'administration des mesures a
prendre a cette Egard .
C’est dans ces vues que la municipalité, et du consentement de ses
parents qui se sont joint a nous, prie l'administration de prendre
leur représentation en considération
Les officiers municipaux et parents de la dite fille
Claude Simon, officier municipal
Rigault, maire et beau-frère
j.f. Damars, Beau frere Auchenard oncle,
P. I. Binet frere
Butet Secrétaire greffier
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Extrait du
registre Des délibérations du directoire du District De Dourdan
Seance du 25 juin 1793, l’an 2 de la republique
Un membre observe que le directoire a pris le 21 de ce mois un
arrêté tendant a faire constater par deux officiers de santé en
présence d’un administrateur, la situation Phisique de la citoyenne
fille Binet demeurant a St Cyr ; que les officiers de santé n’ont
point encore été entendu, que cependant il est de notoriété publique
que cette fille est depuis environ sept semaines attaquée d’une
maladie extraordinaire dont les causes ne sont pas connues, ce qui
attire chez elle un grand concours de personnes ; que les différents
rapports faits a ce sujet dans les conversations particulières et
desquels il résulte que cette fille ne prend aucun aliment et ne
donne d’autre signe de vie que quelques faibles mouvements
involontaires, prouvent assez combien il est important d’employer
des mesures de precaution susceptibles d’enlever aux malveillants et
aux fanatiques les moyens de saisir cette particularité pour égarer
l’opinion des habitants de la campagne ; que l’application de ces
mesures ne sauroient être trop prompte attendu que parmi les
personnes qui se rendent journellement et en grand nombre chez la
malade, plusieurs, si l’on en croit les bruits publics, ont la
faiblesse d’attribuer l’état de cette infortuné a des causes
impénétrables et même surnaturelles.
Sur quoi — et Procureur Syndic, le directoire, adoptant ses
conclusions et les observations de l’opinion, arrête que le citoyen
Denvers, l’un de ses membres se transportera a versailles a l’effet
d’inviter l’administration du departement a faire voyager dans cette
vue la ditte citoyenne Binet sous la conduite de ses parents et sous
la surveillance de deux officiers de santé et a la charge des soins
du traitement que necessite sa maladie, jusqu’à parfaite guerison
Pour expedition N. Savouré
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Acte du 24 juin 1793, l’an deux de la république française
Nous théodore alexis Charpentier administrateur du Directoire
du Département de Seine et oise, sur l’avis qui nous a été donné par
les membres du directoire du District de Dourdan qu’à Saint-Cyr, à
une lieue de Dourdan, il y avait une fille malade depuis longtemps
laquelle ne prend aucun aliment et ne rend aucune matiere. Nous
sommes rendus audit lieu de St-Cyr, dans la maison du nommé
pierre isidore Binet manouvrier audit lieu ; avons demandé à la
femme dudit Binet où était la malade dont il s’agit il nous a montré
une fille nommée victoire Binet, couchée dans un lit,
laquelle nous a paru fraiche et avoir un visage qui n’a point dépéri
;
La femme Binet nous a dit qu’il y a eu jeudy dernier neuf
semaines qu’elle est en cet état et ne prend et ne rend rien. Avons
reconnu que la malade avait encore de la respiration et cependant
était roide ce qu’on nous a annoncé provenir de l’effet des bains
froids qu’on lui a fait prendre.
Nous nous sommes rendus chez le citoyen Gilles Rigault maire
dudit lieu de Saint Cyr et l’avons invité de nous donner
officieusement les renseignements qu’il peut avoir sur l’état et la
cause de la maladie de ladite victoire Binet. Il nous a
répondu que depuis plus de neuf semaines victoire Binet est
malade au lit, qu’elle n’est point maigrie, qu’elle jouit de sa
respiration, que sa figure est colorée de même que si elle était en
pleine santé, qu’elle ne prend aucun aliment quelconque, ne
transpire pas et ne rend aucune matière.
Que cet événement parait incompréhensible a tout le monde et que
l’affluence est telle qu’il vient des personnes de plus de dix
lieues pour voir la malade. Que beaucoup de personnes croient que
c’est une sainte, que beaucoup de curés viennent aussi et notamment
celui de Ste Julienne, village voisin de celui de St-Cyr mais qu’ils
ne manifestent pas ouvertement leur opinion sur l’état de la malade
et la cause de sa maladie.
Que lui citoyen maire a connaissance que victoire Binet
a en quelque sorte perdu la raison il y a près de dix ans mais que
par les soins qui lui ont été portés elle a recouvré sa raison, que
depuis environ un an ou deux victoire Binet a été attaqué de
la maladie qu’elle a maintenant et qu’elle est resté la première
fois trois jours, la seconde fois cinq jours et la troisième de neuf
jours. Qu’il croit que l’état de victoire Binet est cause de
l’augmentation des processions qui se font à Ste Julienne et que le
peuple conduit par les curés prend le prétexte d’aller à Ste
Julienne et reviennent ensuite voir victoire Binet qu’on regarde
généralement comme une sainte. Que chaque jour il vient plus de deux
cents personnes à St-Cyr à cause de cette malade et que certains
jours il vient plus de mille personnes en un jour, que cependant il
n’a vu aucune procession venir à St-Cyr à cause de cette malade. Que
celle de St arnoult qui passe tous les ans à St Cyr y a passé aussi
cette année et qu’on a fait passer la malade sous les reliques.
Qu’il sait qu’un grand nombre de personnes se laissent fanatiser par
cet événement et que beaucoup se mettent à genoux devant victoire
Binet, lui baisent les pieds, les mains, font tomber du linge à
son corps, et que même les personnes qui ne peuvent rentrer
s’agenouillent en dehors de la maison et adressent leurs prières à
victoire Binet qu’ils regardent comme sainte. Que demain la
commune de Chevreuse qui vient tous les ans en procession à St-Cyr
viendra sans doute la voir. Sur ce que nous lui avons demandé si les
processions se faisaient abondamment il nous a répondu que depuis
deux ans elles se multipliaient singulièrement attendu que dans
l’ancien Evêché de Chartres elles étaient défendues et que l’évêque
du département les tolère actuellement. et a ledit citoyen maire
signé avec nous.
Rigault
Charpentier
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Registre de décès – Ref AD91 – BMS 4E – 2521 (page 190 sur Internet)
Aujourd’hui mardi neuf juillet mil sept cent quatre vingt treize
l’an deux de la république françoise, nous jacques françois
LeDrapt premier officier municipal, vu l’empêchement légitime de
Gilles Rigault officier public de la commune de Saint Cir,
beau frere de la décédée, en execution de l’article deux du titre
cinq de la loi du vingt septembre dernier au moyen de la déclaration
a nous faite par pierre isidore binet manouvrier demeurant a
Saint Cir et de jean francois Damars, elaguer, demeurant a
Bandeville susdite paroisse de Saint Cir, frère et beau frère de la
décédée, tout deux âgé de vingt un an passé, que geneviève
Victoire Binet étoit décédée, nous sommes transporté en la
maison du dit pierre isidore Binet en laquele ladite
Genevière victoire Binet étoit décédée d’après les
renseignements a nous donné que ladite décédée s’apelloit
Geneviève victoire Binet domestique âgée de trente trois, nâtif
de cette paroisse, le tout fait en présence de pierre isidore
Binet, de Gilles Rigault, de jean françois Damars
beau beau frère et de adrien auchenard oncle, qui ont signé
avec nous.
Rigault Pierre
isidore Binet
Auchenard j.f. Damars
j.f. le Drapt
Fesans foncion dofficiers publics |
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